J’ai eu l’idée de cette article la vidéo suivante de l’excellente chaîne de Florence PORCEL.
Je l’avoue, avec cette article, je coupe un peu les cheveux en quatre. Mais, le véritable sujet de cette article n’est pas tout à fait le même que celui de la vidéo. En effet, la vidéo de M. Bogdanov parle de l’impossibilité de tomber par hasard sur deux arrangement similaire d’un jeu de carte. Cette article parle de la difficulté d’avoir un hasard parfait dans un jeu.
Je vais donc profiter du sujet de cette vidéo pour parler d’un mathématicien spécialisé dans les probabilités. Il a notamment travaillé sur les statistiques des mélanges de jeux de cartes. Il se trouve qu’il fut aussi magicien. Je reparlerai sûrement plus de son côté magicien plus tard.
M. Bogdanov nous dit qu’il y a 52! (factorielle de 52) arrangements possible d’un jeu de carte. Il en conclu qu’on obtient dès que l’on mélange un jeu de carte dans un ordre totalement inédit. Où est donc son erreur?
En réalité, mélanger un jeu de carte une fois ne donne pas un ordre aléatoire. Cela donne un ordre qui dépend de la procédure de mélange et de la situation de départ. C’est là qu’entrent en jeu les travaux de Persi Diaconis sur les mélanges et l’aléatoire.
Voici une vidéo aborde cette question, pour celles et ceux qui ont la chance de parler anglais.
En résumé l’une des procédures de mélange les plus efficaces nécessite sept mélanges minimum pour que le jeu n’ait plus de lien avec l’état de départ. Quand au mélange « à la française » (visible dans la vidéo à partir de 30 seconde) qui consiste à peler successivement de petits tas de carte sur le dessus du jeu, il nécessiterait environ dix mille mélanges!
Pour s’amuser, on pourrait rajouter que battre les cartes est une expression qui renvoie à ce type de mélange.
Les jeux en sortie d’usine sont tous organisés de la même manière pour une marque donnée. On peut donc dire que compte tenu de la quantité de jeu de carte et du lien très fort qu’il y a entre l’état de départ et l’état d’arrivé après un seul mélange, quelque soit le type (sauf le smoushing présenté à 1:05 qui ne porte pas sur le nombre de mélanges mais sur la durée du mélange), il est à-peu-près certain qu’après l’ouverture d’un jeu de carte quelqu’un a déjà eu le même arrangement.
Par contre, il est vrai qu’après avoir mélangé le jeu suffisamment pour avoir un ordre qui se rapproche de l’aléatoire, il est impossible que deux jeu aient le même ordre. Car le nombre de possibilités est effectivement de 52! donc de l’ordre de 8,0658 x 1067.
Certains peuvent penser que cette problématique ne se présente qu’a l’ouverture d’un jeu neuf. Mais, cela peut avoir lieu à chaque moment où une procédure ajoute de l’ordre dans le jeu de cartes.
Par exemple, en magie, on peut vouloir séparer les cartes rouges des noires. Une procédure très courante pour partir soit d’un jeu divisé en deux (le fameux tour que tous le monde a rencontré au moins une fois dans sa vie, dans lequel on propose de tirer une carte dans la partie rouge pour la remettre dans la partie noire) soit d’une alternance parfaite entre les rouges et les noires. Bref dans les deux cas, on a deux groupes de vingt-six cartes aléatoirement rangé soit 26! possibilités. Ces deux portions pouvant être organisé dans 2! ordres possibles. Nous avons donc un nombre d’arrangement de 26! x 2 x 2! soit environs 1,6 x 1027.
Cela reste encore trop grand pour dire que, dans ces conditions, il est courant que deux arrangement puissent être accidentellement identiques. Mais, on a déjà gagné un facteur de 5 x 1040 juste avec une procédure hyper courante.
On peu aller plus loin avec une autre procédure qu’on retrouve aussi fréquemment, en dehors de la magie cette fois. Dans certaines parties de cartes, il est courant de séparer le jeu en 4 familles (piques, cœurs, carreau et trèfle). En faisant le même calcul on tombe sur 13! x 4 x 4! soit 597 793 996 800. Cela reste de l’ordre de 500 milliards de possibilités. Mais, j’ai moi même fait plusieurs fois cette procédure et je connais beaucoup de gens faisant ça. En tenant du compte d’un côté de tous les jeux vendus et de l’autre du fait que ce partage soit assez fréquent, et ce même si toutes les combinaisons n’ont sans doute pas encore été produites, il est plus que probable que certaines on été réalisé plusieurs fois.
Pour vérifier qu’un jeu est complet, on classe presque toujours les quatre familles dans un ordre allant de l’as au roi. Dans ce cas-là, on tombe à 4! possibilités! soit, vingt-quatre arrangements possibles. Ici il est tout à fait probable que même après un seul mélange, suite à cette procédure, tout les arrangements possibles aient déjà été atteints!
De plus, chaque jeu à un impact plus ou moins classificateur. Notamment, les jeux comme la belote ou la coinche qui se jouent avec le paquet entier avec pour résultat treize plis de quatre cartes, et qui sont très contrains par les règles… Au final, non seulement les arrangements en fin de partie ne sont pas tous possibles, mais les probabilités de chaque arrangements sont différentes… Donc, il est probable, avec la popularité de ces jeux, même si je ne me suis pas assez penché dessus pour être catégorique, que certains arrangements soit produits régulièrement.
Bref, cette question est plus complexe qu’on peut le penser à première vue. Il est souvent intéressant de creuser des sujets qui en première analyse ne semblent pas être très pertinents. Sur cet exemple, on pourrait faire appel aux sciences sociales pour connaître la popularité de chaque jeu afin de déterminer quels arrangements sont les plus probables.
Pour aller plus loin, si vous comprenez l’anglais, je vous conseille cette interview de Persi Diaconis : http://7thavenueproject.com/post/92353298895/persi-diaconis-magic-mathematics